L'Irlande et l'Europe : un exemple à suivre 

à l'heure du grand élargissement

 

                                                                                                                      MC. Considère-Charon

                                                                                                                      Professeur à l'Université de Franche Comté

                                                                                                                      Lettre de synthèse Robert Schuman n° 146

 

 

   Si, dans une Europe plurielle, toute intégration est singulière et propre à l'Etat,  force est de reconnaître que celle de l'Irlande l'a été tout particulièrement.  Parvenue à un degré de prospérité inespéré, son essor économique sans précédent lui a valu l'appellation de "tigre celtique".

Toutefois son processus d'intégration n'en est pas moins complexe et son rattrapage ne saurait se résumer aux transferts communautaires. Il fait appel à d'autres facteurs de développement qui méritent une analyse en profondeur. Au moment où l’Europe s’élargit pour inclure dix nouveaux membres, l’expérience de l’Irlande peut-elle inspirer ces Etats sur la voie du progrès et de l'intégration? Quel que soit l'avenir communautaire qui leur est réservé, cette étude a pour objectif de montrer qu'ils peuvent constater dans le passé de ce pays un certain nombre de similitudes historiques et économiques.

 

Un petit Etat pauvre aux marges de l'Europe

   L'Irlande des années 1950 pouvait se définir comme un petit Etat pauvre et périphérique.

La notion de périphérie, appliquée alors à l’Irlande, recouvre à la fois une situation d’éloignement géographique par rapport aux pays qui, historiquement, étaient au cœur du projet européen et une insularité renforcée par la présence de la Grande-Bretagne entre l’Irlande et le continent[i]. Alliée à la périphérie cette insularité impliquait un handicap lié au coût de franchissement des distances dans le choix d’activités nouvelles ou anciennes à convertir, et donc un facteur de marginalité économique[ii].

   Parmi les régions dites sous-développées, l’Irlande apparaissait également comme très en retard et son retard industriel semblait l’exclure de toute participation à un projet conçu par des pays fortement industrialisés et adapté à leurs économies. Il paraissait en outre difficile d'envisager un progrès compte tenu de la faiblesse de ses ressources énergétiques[iii]. L'Irlande ne disposait d'aucune aciérie, ni de ressources en charbon, ni encore d'industrie nucléaire.

   Son économie apparaissait comme déséquilibrée avec un important secteur agricole et un petit secteur industriel. En 1958, 20% seulement de la population active en Irlande étaient employés dans le secteur secondaire et l’activité industrielle du pays qui ne dépassait pas le stade manufacturier se limitait à quelques biscuiteries, brasseries, distilleries et fabriques de chaussures, principalement tournées vers un marché intérieur insuffisant pour favoriser le développement d'activités compétitives.

   L'économie irlandaise était également marquée par deux fléaux : un taux de chômage très élevé ainsi qu’un taux d’émigration important qui semblaient peser sur le pays comme une fatalité. Faute d'emplois, les éléments les plus jeunes et les plus entreprenants de la population quittaient le pays et le vidaient ainsi de ses forces vives.

   D'autres données ne semblaient offrir aucune perspective de  développement telles que des infrastructures très insuffisantes, un volume modeste de l’épargne et des investissements ainsi qu'une main d'œuvre abondante mais peu qualifiée. Cette carence de formation expliquait également l’absence de recherche et développement et d’innovations propres aux régions en difficulté. De surcroît, la proximité de la Grande-Bretagne et sa situation entre l'Irlande et le continent semblaient, malgré la rupture de tout lien politique et militaire, condamner l'Irlande au rôle de satellite du Royaume-Uni, rôle hérité de son  passé de dépendance vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale. Si le terme de satellite peut paraître excessif, on peut évoquer une logique d'archipel qui renvoie à l'intégration humaine, économique et culturelle au Royaume-Uni qui avait perduré après l'indépendance du pays et qui assimilait l'Irlande à une région du bloc britannique. Il est incontestable que la survie économique du pays était alors à la merci du Royaume-Uni qui, en 1960, absorbait 75% de ses exportations et d’où provenaient 50% des importations irlandaises. Le déséquilibre entre les possibilités d’emploi d’une île à l’autre était largement compensé par l’émigration massive vers la Grande-Bretagne. Quant aux revenus du tourisme, ils étaient dus pour 85% aux dépenses des touristes britanniques.

   Tous ces handicaps structurels étaient, selon les observateurs, de l'époque rédhibitoires à tout développement économique et l’Irlande des années 1950 semblait condamnée à une relative stagnation économique. Il était en effet permis de douter des chances d’un petit pays aussi défavorisé  de survivre dans une Communauté d’Etats dont les économies n’accusaient pas de gros écarts de développement. Le libre jeu de la concurrence, établi par l'article 3 du Traité de Rome, risquait  fort de défavoriser les entreprises irlandaises, de type familial, très vulnérables aux pressions extérieures, et qui, de plus, ne devaient souvent leur survie qu'au régime de protection douanière. De par sa situation périphérique, l'Irlande ne risquait t-elle pas de se voir d'emblée cantonnée à un rôle de partenaire de second ordre tandis qu'émergeraient à coup sûr deux Europe, une Europe centrale performante et une Europe périphérique stagnante?

  Compte tenu des difficultés rencontrées lors des accords commerciaux anglo-irlandais et des tentatives d'ouverture de liens commerciaux avec les Etats-Unis, il y avait fort à parier que, dans une organisation internationale comme le Marché Commun, le sort d'un petit Etat échappe largement au contrôle de ses dirigeants.

 

De la lanterne rouge au phare de l'Europe

   Si l'on suit l'évolution de l'Irlande après son entrée dans la Communauté on constate que les premières années qui suivirent son adhésion furent décevantes et qu'il fallut attendre près d'un quart de siècle pour parler de réussite. A moins de dix ans d'intervalle le magazine britannique the Economist livrait à ses lecteurs deux portraits contrastés. Le 10 janvier 1988 il publiait une étude sur la République d'Irlande intitulé" le plus pauvre des riches" où l'on voyait ne jeune femme avec son enfant en train de mendier dans les rues de Dublin[iv]. Moins de dix ans plus tard l'Irlande faisait la couverture du même magazine comme étant le phare de l'Europe ("Europe's shining light"). On pouvait lire dans l'éditorial : "Hier encore l'Irlande était un des pays les plus pauvres d'Europe. Aujourd'hui elle a rejoint la moyenne communautaire en matière de prospérité et s'enrichit chaque jour davantage"[v].

    On note qu'en 1988, c'est-à dire quinze ans après son entrée dans la Communauté, l'économie irlandaise se situait toujours bien en retrait de l'Europe occidentale et à la fin des années 1980, l’Irlande était encore considérée comme une des régions les moins développées de la Communauté[vi]. Elle avait certes amorcé une croissance qui allait être freinée dans les années soixante-dix, une décennie marquée par une période d’expansion des dépenses publiques  avec pour effet  l’accroissement de la dette publique. L’état alarmant des finances publiques avec des déficits qui atteignaient en moyenne plus de 12% du PIB faisait de l’Irlande un des pays les plus endettés de l’OCDE et rien ne laissait prévoir que ce pays puisse évoluer positivement. La dette publique qui en 1971 ne représentait que 60% du PNB, franchissait les 90% en 1981.

    Il faut souligner que l’Irlande  subissait, peu de temps après son adhésion, les effets du premier choc pétrolier de 1973, suivi du second de 1979. Celui de 1973 allait la frapper de plein fouet dans la mesure où les trois quarts de ses besoins en énergie étaient importés. Ces deux  secousses, accompagnées des graves crises budgétaires intérieures, causèrent le retour de la récession et de l’inflation. On note, entre 1972 et la fin des années quatre-vingt, une stagnation du PNB par rapport à la moyenne communautaire. On observe également une stagnation de la production et un taux de chômage record en 1987, une des années les plus noires de l’économie irlandaise, avec près de 18% de chômeurs. Il s’ensuit que l’injection de fonds communautaires est loin d’avoir eu en Irlande l’effet instantané qu’on leur prête souvent et que le terme de "miracle" avec ce caractère instantané qu'on lui prête ne paraît pas approprié. Toutefois, c'est bien contre toute attente que le décollage économique a fini par se produire et  l'Irlande a suscité la surprise et l’intérêt de beaucoup d’observateurs[vii].

 

La mesure du développement

Si on analyse le décollage économique de l'Irlande au cours de la dernière décennie du vingtième siècle on observe tout d'abord une croissance remarquable de plus de 9% en moyenne sur la période 1996-2001, la baisse régulière du taux de chômage, l'inversion des flux migratoires et enfin des excédents budgétaires qui faisaient soudain de l'Irlande l'enfant modèle de la Communauté. La caractéristique majeures du développement économique irlandais se reconnaît bien à la croissance du PIB par habitant. Avec 9% en moyenne sur la période 1996-2001, voire une croissance à deux chiffres en 2000 (10,7%) , l’Irlande a poursuivi jusqu'en 2001  le rythme de progression le plus rapide de tous les pays de l’O.C.D.E.

 

   La plupart des effets de la croissance ont été, de l’avis des experts, très positifs et ont débouché sur un niveau de vie plus élevé, une nette amélioration de la consommation, du niveau d’instruction et de la santé.  Dans les années cinquante le revenu moyen d’un Irlandais était moins de la moitié de celui d’un Britannique, il le dépassait en 1999. La consommation intérieure n’a cessé de croître et a enregistré une hausse record de 10% au cours de l’année 1998, pour se stabiliser autour de 8% au cours de l’année 2000. La vente des voitures neuves en particulier de fabrication allemande a progressé régulièrement.

 

  La croissance de la productivité qui, en termes de PIB par employé, a atteint une moyenne de 3% par an entre 1988 et 1999 s'est traduite par un accroissement spectaculaire du volume des exportations. En l’espace d’une décennie, entre 1990 et 2000, les exportations ont plus que triplé et les importations plus que doublé. Dans le volume des exportations la part croissante des produits manufacturés est liée à  l’apparition au cours des deux dernières décennies de nouvelles entreprises qui se situent  principalement dans deux branches, l’industrie pharmaceutique et surtout l’électronique. Ces deux branches représentent à elles seules plus de la moitié de la production totale de l’Irlande.

   Le relâchement des liens économiques avec l’Angleterre, dont l’économie était dans les années soixante-dix nettement moins performante que celles des pays du continent, a eu un effet libératoire certain, confirmant la fin d’une sujétion économique à l’ancienne puissance coloniale. En réduisant sa dépendance à l’égard du marché britannique, l’Irlande s’est tournée vers d'autres marchés et a pu ainsi diversifier ses échanges. Si en 1960, 75% des exportations des produits irlandais étaient destinés au Royaume-Uni, puis 61% en 1972, actuellement le pourcentage n’est plus que de 24%. Avec la modification des exportations, la part de l’Union Européenne (hormis le Royaume Uni) dans le commerce, est passée de 18%  en 1972 à  43% en 1999. Le développement de l'Irlande s'est accompagné d'une stabilisation financière qui a permis à l’Irlande de se qualifier pour l’adhésion à l’Union Monétaire.

   La croissance rapide de la production a été alimentée par l’expansion de l’emploi. En 1999 la population active avait augmenté de 37% par rapport à 1990. L’accroissement constant de l’apport de la main-d’œuvre féminine au cours des années 1990 y a largement contribué. En 1980 l’Irlande avait le taux le plus bas de participation féminine de toute l’Europe. Actuellement il a rejoint la moyenne européenne[viii]. L’augmentation de la population active s’est de plus renforcée à la fin des années 90  du fait du retour de nombreuses personnes qualifiées qui avaient émigré dans les années 1980[ix]. [x]

   Les deux fléaux traditionnels, le chômage et l’émigration, qui pesaient sur l’histoire économique de l’Irlande comme une fatalité, ont été jugulés[xi]. Le taux de chômage a témoigné d’une nette tendance à la baisse depuis la fin des années 80. S’il touchait 18% de la population active en 1987, il est passé en 2000 en-dessous de la barre des 5%, c’est à dire deux fois moins élevé que la moyenne communautaire, et cela, malgré la nette augmentation de la population active.

   Une très sensible inversion des flux migratoires s’est opérée depuis le début des années 1990[xii]. Selon l’Office des Statistiques, le solde migratoire net a été légèrement positif en 1992 et 1993 et à nouveau en 1996, et n’a cessé depuis de se confirmer à la hausse avec actuellement  deux fois plus d'immigrants que d'émigrants. Ce renversement de tendance a amené les autorités irlandaises à ouvrir en 1996 un bureau d’immigration[xiii] et à devoir faire face à un problème de pays riche.

  

La raison du succès économique

   On en vient à se poser la question essentielle: comment un pays avec un chômage endémique, une émigration qui voyait disparaître les éléments les plus jeunes et les plus dynamiques, aucune perspective d'avenir, un niveau de vie très bas comment ce pays promis au déclin, a pu approcher du plein emploi et redevenir une terre d'immigration? Diverses explications ont été données sur cette progression spectaculaire de l’économie irlandaise mais l’analyse la plus courante, qui fait appel à un modèle traditionnel de croissance, s’en tient à l’impact des transferts communautaires destinés à aider les régions à rattraper leur retard de développement.

   L'essor économique de l'Irlande apparaît d'emblée comme l’illustration parfaite du principe de convergence. La période 1991-93, celle du premier Programme de convergence présentait déjà  l’Irlande comme « le meilleur élève de la convergence » comme l’indique une étude comparative qui fait apparaître le processus de rattrapage dans les quatre pays « de la convergence » : Irlande, Espagne, Portugal et Grèce. Selon les chiffres de l’O.C.D.E.[xiv], les progrès particulièrement impressionnants au cours de la dernière décennie se sont accélérés à partir de 1993 et un progrès vraiment spectaculaire vers la convergence s’est opéré en 1994[xv]. On peut vraiment parler d'un rattrapage exemplaire dans la mesure où en 1973 le P.I.B. par habitant de l'Irlande était à 58% de la moyenne communautaire, il dépassait celui du Royaume Uni en 1996, et  atteignait en 2000 119%[xvi].

Avec plus de 21,5 millliards de livres entre 1973 et 1999, l'Irlande aura reçu environs cinq fois plus qu'elle n'a versé au budget de Bruxelles, et comme le soulignait Dermot Scott, administrateur à l'antenne du Parlement Européen de Dublin, elle est apparue comme une admirable machine à absorber les fonds communautaires.

 

 Les limites de l'explication communautaire

   Si le décollage économique de l'Irlande ne saurait manifestement être dissocié de l’intégration, doit-on pour autant en déduire que ce bel exemple de réussite économique soit essentiellement du à la générosité de la Communauté et le simple aboutissement d’une politique d’aide et de financement ? Les analyses des experts irlandais s’emploient à dénoncer cette interprétation des progrès économiques de leur pays, qu’ils jugent sommaire et partielle. Tout en soulignant les difficultés d’une telle démarche, ils ne peuvent s’empêcher d’avancer des hypothèses sur une éventuelle évolution de l’économie irlandaise en cas de non adhésion, qui tendent toutes à minimiser la part de la Communauté dans le développement économique de l’Etat.

    Il ressort de l'analyse comparative des performances des Etats membres que l'injection des fonds communautaires n'a pas eu les mêmes effets dans les pays dits de la convergence. Parmi les cinq pays qui ont reçu les deux tiers de l’ensemble des fonds structurels- Grèce, Espagne, Portugal, Irlande et Italie- l’Irlande n’est pas le premier bénéficiaire des aides communautaires; elle est dépassée par la Grèce, dont le rapport entre versements et paiements en 1998 aura été de 454%. En revanche, comme le prouve cette étude, parmi ceux qui ont bénéficié des deux tiers de l’ensemble des fonds structurels, des fonds de cohésion[xvii] et du fonds agricole européen, elle a été le pays qui a vu le mieux progresser son PIB par habitant par rapport à la moyenne communautaire. Le Portugal et la Grèce qui ont également bénéficié d’importants subsides n’ont pas connu le boom économique de l’Irlande. Il est donc manifeste que c’est bien en Irlande que ce processus de convergence s’est le mieux illustré.

 

Tableau n°1 : Le processus de rattrapage en termes de PIB par habitant dans plusieurs pays de la Communauté :

 

Allemagne

Espagne

Grèce

Irlande

Pays bas

Portugal

Royaume          Uni

1973

115,0

75,1

62,7

58,5

107,6

57,3

103,3

1980

117,1

70,7

64,0

63,5

105,4

54,8

96,8

1985

117,6

69,8

62,4

64,8

103,0

53,1

99,6

1990

116,0

74,5

58,5

71,0

100,9

59,2

100,1

1993

108,0

77,8

64,5

82,7

103,6

69,1

98,9

1994

109,7

75,8

64,7

88,0

104,5

67,1

98,4

1995

109,2

76,1

64,3

95,2

104,0

67,1

98,3

1996

108,3

76,6

64,6

100,7

104,7

67,8

98,9

1997

108,9

76,9

64,6

103,9

104,9

68,2

98,6

1998

109,0

77,3

64,5

106,3

104,8

68,6

99,6

Source : Economie Européenne –les grandes lignes de la politique économique n°62.

 

   Il ressort également de ces indications que le développement industriel de l’Irlande n’a pas immédiatement suivi l’entrée de l’Irlande dans la Communauté. C’est en réalité un fait relativement tardif par rapport à son entrée dans la Communauté qui n’a pris sa véritable ampleur qu’au cours de la dernière décennie du vingtième siècle, ce qui prouve  que l’intégration européenne ne saurait être considérée comme une garantie infaillible de réussite économique mais ne ferait qu’offrir des possibilités de développement économique plus rapide. Selon les chiffres de l’O.C.D.E.[xviii], les progrès particulièrement impressionnants au cours de la dernière décennie se sont accélérés à partir de 1993 et un progrès vraiment spectaculaire vers la convergence s’est opéré en 1994[xix].

   D'autre part, si les fonds structurels[xx] de l’Union Européenne semblent avoir largement contribué à l’embellie économique, leur impact sur l’économie est difficile à évaluer avec précision. Les investissements générés par ces fonds peuvent avoir deux effets majeurs : tout d’abord une accélération de la croissance provoquée par une demande supplémentaire. Le second effet, plus difficilement quantifiable, résulte des améliorations apportées aux infrastructures -routes, voies ferrées et fluviales- ainsi qu’au capital humain par le biais de l’enseignement et de la formation. Cet effet, que l’on désigne sous le terme d’externalités positives, est déterminant et a sans doute été plus important que l’effet direct de demande.

   Les diverses simulations qui ont porté sur l’évolution de l’économie irlandaise sans l’apport des fonds structurels, révèlent que les experts sont divisés à ce sujet. Selon John Bradley de l'Economic and Social Research Institute de Dublin [xxi], le PNB global n'aurait été que de 2,7% inférieur en l’an 2000 et le PNB par habitant de 0,8% moindre si l’Irlande n’avait pas adhéré à la Communauté. C'est un peu l'avis d'un autre économiste James Honohan qui estimait en 1997 que l’impact combiné des deux programmes de fonds structurels couvrant les années 90 n’aurait ajouté que 2% au PNB[xxii]. Toutefois d'autres experts à l'instar de Thomas Giblin[xxiii] accorde un rôle plus important aux fonds structurels et aux fonds de cohésion qui, selon lui, auraient permis au PNB de grimper de 5% supplémentaire par rapport à la moyenne européenne entre 1988 et 1997.

   Il ressort de ces observations deux choses : La première c'est que les fonds structurels ont eu manifestement un effet de levier qui a permis d'atteindre les chiffres très élevés. La seconde c'est que d'autres éléments sont à prendre en compte pour expliquer l'essor considérable de l'Irlande dans les années 1990.

 

Les autres facteurs de développement

   Parmi les autres facteurs de développement, il en est un qui a joué un rôle essentiel c'est l'afflux des investissements étrangers grâce à la libéralisation des échanges. Un contexte favorable s’était peu à peu mis en place dès la fin des années 1950. Dans la mesure où les politiques protectionnistes s’étaient avérées impuissantes à faire véritablement décoller l’industrie du pays, le marché national étant jugé trop exigu, le gouvernement de Sean Lemass sur les conseils de Ken Whitaker avait alors décidé qu’il fallait ouvrir l’économie, favoriser l’exportation et faire venir les capitaux étrangers. La 1ère mesure avait été dès 1949 la création de l’Autorité pour le Développement Industriel (Industrial Development Authority), suivie en 1952 de celle du Conseil pour l’Exportation  (Export board).

   Cette politique d'ouverture aux investissements allait se renforcer au cours des décennies suivantes par toute une panoplie d'incitations fiscales. Mais contrairement à toute attente, la plupart des investisseurs étrangers furent américains et non européens. Parmi les 1279 entreprises étrangères recensées en 1999, 497 étaient des sociétés américaines et l’Irlande se classait au cinquième rang dans le monde comme destinataire des investissements directs américains  et attirait le quart des investissements industriels américains en Europe. Le nombre d’employés dans les filiales américaines a triplé entre 1973 et 1995 et s'élève actuellement à 24% de la masse totale des salariés du secteur manufacturier. En d’autres termes un employé sur quatre du secteur secondaire travaille pour une firme américaine, la plupart du temps dans le secteur de la haute technologie. La croissance américaine au cours de la deuxième moitié des années 90 a certainement compté pour beaucoup dans l’expansion industrielle de l’Irlande et  l’impulsion qui a donné à l’économie irlandaise sa vitalité semble être essentiellement venue d’outre-atlantique. En octobre 2000 une équipe de chercheurs en économie de l’Université de Cork décidait de dresser un bilan de l’économie irlandaise, à l’occasion de la visite du professeur Michael Porter de la Harvard Business School.  Ce bilan s’intitulait The Celtic Tiger : The 51st state in Europe? Il mettait en lumière le rôle des investissements américains en Irlande qui, il faut le préciser avaient commencé à s'implanter en Irlande dès les années 1970.

   L’Irlande serait-elle devenue dans les années 1990 la section européenne du grand marché mondial dominé par les Américains ou le cinquante et unième état des Etats Unis ? C’est ce que pense également  l'économiste irlandais John O’Sullivan[xxiv] pour qui l’île, tout en s’intégrant de plus en plus à l’Union Européenne en termes macro-économiques, a, dans le domaine de la micro-économie, celui  qui touche à la structure de ses industries, évolué au point de ressembler de plus en plus à une région des Etats-Unis. Ce constat nous amène à évoquer l’idée d’une intégration euro-atlantique.

   Un autre élément, qui a sans doute beaucoup aidé au décollage de l’Irlande a été dès le début des années 70 le choix de créneaux industriels promis à un développement rapide à forte valeur ajoutée et jusqu’alors quasiment absents de l’économie domestique. Dès les années 1970 l’ l’Autorité pour le Développement Industriel avait identifié les industries électronique et pharmaceutique comme les plus prometteuses pour l’avenir de l’économie irlandaise. L’Irlande est ainsi sortie avec succès de ses secteurs industriels traditionnels. Elle a su renoncer en temps utile à développer une série d’activités pour lesquelles elle a, à présent, recours exclusivement aux importations et a parallèlement réussi  à attirer des entreprises qui jouent un rôle sur le plan mondial. Il faut toutefois noter que les ajustements à la nouvelle économie ne se sont pas faits sans problèmes. Le besoin accru de compétitivité a impliqué des adaptations, des reconversions, d’autant plus difficiles à réaliser que la base de l’activité économique était étroite et composée d’entreprises faiblement productives. Malgré les garanties obtenues lors des négociations sur l’adhésion, rares furent les entreprises indigènes ou les filiales de société étrangères implantées en Irlande sous le régime protectionniste qui parvinrent à réaliser les ajustements souhaités.

  La plupart des nouvelles entreprises font partie de ce qu’on appelle la branche des hautes technologies, celle des ordinateurs, logiciels, semi-conducteurs. L'Irlande devenait au milieu des années 1990 le deuxième exportateur mondial de logiciels après les Etats-Unis. Près de 40% de tous les logiciels, 60% des logiciels professionnels et près de la moitié des ordinateurs vendus en Europe étaient fabriqués ou assemblés sur l’île. Cette branche s’est, au fil de la décennie des années 1990, « auto renforcée » dans la mesure où lorsqu’un producteur réussissait son implantation, il attirait ses concurrents. Un nombre important de ces sociétés utilisent l’Irlande pour leurs installations en support technique.

       La politique industrielle irlandaise a donc joué un rôle essentiel par le biais de l’Autorité pour le Développement Industriel  qui a mené une campagne de promotion très dynamique. Cette politique industrielle s’est révélée très efficace et a contribué de manière décisive à attirer l’investissement étranger. L'Irlande a eu l’habileté de se doter d’une  politique fiscale très avantageuse, tolérée par la communauté.  Dans la  seconde moitié des années 1950, le principe de dégrèvement fiscal sur les profits réalisés à l’exportation (Export Profits Tax relief) fut mis en place. C’est ainsi que vit le jour la zone de Shannon qui fut la première zone de libre- échange moderne. Cette mesure fiscale fut abrogée lors de l’entrée de l’Irlande dans le Marché Commun mais remplacée toutefois par un taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés exportatrices extrêmement favorable de 10% porté à 12,5% au 1er janvier 2003, ce qui est encore très favorable compte tenu des taux européens comparatifs.

   La transformation économique de l’Irlande a donné lieu à une recomposition radicale du paysage économique.

Tableau n° 2 : Evolution de la part des secteurs dans l'économie globale de 1960 à 1998,

 

Agriculture

Industrie

Services

Année

1960   1973   1987   1998

1960  1973  1987 1998

1960  1973  1987 1998

Part du

PIB

  25        19      10        6

  29     34      36       41

  46      48      54      53

Part de l'emploi

  38        24      15        9

  23     31      28       30

  39       45     57      61

Source : Medium-Term Review 1999-2005, ESRI,p.8.

 

 

  On est frappé par le recul  de l’agriculture[xxv] et en revanche le pourcentage très important du secteur des services. Si le secteur agricole a été marqué par un déclin progressif, il a été accompagné par une progression du secteur industriel mais surtout celui des services. On a assisté à une tertiairisation très nette de l’économie qui n’avait pas été anticipée en 1973.L’Irlande continue à exporter abondamment dans la branche alimentaire qui représente encore 21% de l’exportation globale, mais les produits les plus exportés ne sont pas liés aux activités agricoles traditionnelles d’agriculture et d’élevage ; il s’agit en effet de boissons sucrées à base de concentrés. L'agriculture emploie actuellement 8,5% de la population active, l'industrie 28,3% et le secteur des services 63,2%. Une  politique d’assainissement fiscal a permis de faire baisser  le pourcentage de la dette publique par rapport au PNB de 127% en 1988 à 56% en 2000. En termes de critères internationaux le rétablissement des finances a été spectaculaire.

  L’absence de prise en compte du capital humain avait été dénoncée comme une des faiblesses fondamentales de l’Irlande. L’Irlande a compris, tardivement il est vrai, que la croissance et la progression des qualifications allaient de pair. Elle a engagé d'investir dans le  domaine de l’éducation à la fin des années 1960 en instaurant la gratuité de l’enseignement du second degré et dans une mesure plus modeste, celle de l’enseignement supérieur quelques années plus tard. Une réforme fondamentale du système éducatif s’est opérée avec l’accent mis sur la formation professionnelle. Les Universités de Limerick et Dublin City University virent le jour, universités ouvertes sur l’entreprise qui allaient intégrer les besoins de l’industrie comme partie centrale de leurs programmes. La création d’Instituts Technologiques Régionaux (Regional Technical Colleges), allait jouer un rôle déterminant dans la formation d’une main-d’œuvre qualifiée dont le savoir-faire serait largement apprécié par les multinationales, à la fois au niveau des techniciens et des cadres[xxvi].

   Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, un consensus social allait prévaloir grâce à la mise en œuvre, depuis 1987, d’accords de partenariats nationaux entre gouvernements, syndicats, patrons et fermiers d’une durée de trois ans dont le rôle d'impulsion revient au NESC (National Economic and Social Council). Ces accords ont porté sur les salaires, les impôts et d’autres aspects de la politique économique et sociale. Ils sont destinés à donner cohérence à la politique économique, stabiliser les finances publiques, et maintenir le cap de la compétitivité à la fois en termes de modération salariale et de paix sociale. Ils ont favorisé la mise en place d’un climat de confiance propice à l’investissement.

    A cela s'ajoute une stabilité politique également propice aux investissements. Sur le plan de la politique intérieure, économique et sociale, les deux partis de gouvernement qui alternent au pouvoir, le Fianna Fail et le Fine Gael  peuvent paraître très proches[xxvii] et leurs affrontements demeurent mesurés. Le Fianna Fail (les Combattants du Destin) et le Fine Gael (la Famille des Irlandais), issus de la scission au sein du Sinn Fein en 1921, ne s’opposent  pas de façon idéologique et les élections  ne remettent pas en cause les structures de la société.

    Il ressort de ces observations que la réussite économique irlandaise est la résultante de plusieurs facteurs exogènes et endogènes. En Irlande, le nombre de conférences et d’ouvrages sur l’intégration de l’Etat dans l’U.E., s’est multiplié au cours de la dernière décennie sous la forme de rétrospectives et de bilans. Il en a été ainsi lors du 20ème anniversaire puis du  25ème anniversaire de l’adhésion. Les auteurs s’accordent tous pour reconnaître que, au cours de cette décennie, l’Irlande a connu des changements plus considérables qu’à aucune autre période de son histoire, l’Union Européenne étant perçue comme un puissant moteur de transformation et de progrès. L’accent a été mis, chaque fois, sur le caractère stupéfiant de cette réussite, les progrès considérables, mais également sur les conséquences nationales de diverse nature avec  l'accès à une véritable indépendance, et la reconnaissance dont bénéficie à présent le pays dans le domaine international.

 

Les gains politiques de l'adhésion

   Entre son accession à l'indépendance en 1922 et son adhésion à la CEE en 1973, les relations internationales de l'Irlande étaient restées très limitées. Ses relations au sein de l'Europe se limitaient au Conseil de l'Europe et à l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE), deux organisations d'une efficacité et d'une influence très limitées, et du fait de sa dépendance vis-à-vis du Royaume-Uni, l'Irlande restait isolée et coupée des développements politiques importants en Europe. A l'échelon international sa participation à l'ONU à partir de 1955 allait lui permettre d'affirmer sa présence sur la scène internationale et de faire valoir ses idées mais l'influence de l'Irlande dans cette organisation à vocation générale et d'une efficacité très limitée du fait de la guerre froide demeurait assez minime.

  L'appartenance à la Communauté Européenne allait enfin offrir à l'Irlande l'occasion de développer ses relations internationales de manière remarquable au regard de sa taille et de son passé historique. Il est indéniable que l'intégration européenne, à permis à l'Irlande d'élargir considérablement son horizon international en la plaçant au coeur d'une organisation qui entend s'imposer comme un acteur international à part entière. Cela l'a également conduite à nouer et développer des liens avec de nouveaux Etats en dehors du cadre strictement européen et à acquérir une conscience accrue de certains problèmes internationaux. Dès 1974 Garret Fitzgerald, alors Ministre des affaires étrangères, déclarait :

"l'appartenance à la CEE nous a conduit à avoir des relations nouvelles et directes avec des pays du monde entier avec lesquels nous n'avions encore l'année dernière aucun contact politique et économique". Il ajoutait une année plus tard à l’occasion d’une visite officielle à Paris, en mars 1975 :  "Notre entrée dans le Marché Commun a marqué la vraie fin de la période coloniale en Irlande. Notre véritable indépendance date de 1973 et non de 1922".

 

Un modèle transposable?

   Dans un discours à l’Institut des Relations Internationales à Prague le 19 octobre 1999, la Présidente d’Irlande, Madame Mary McAleese, s’était exprimée sur le thème : « Europe : élargir le cercle de famille ». Elle fut accueillie par le directeur de l’Institut, qui a décrit l’Irlande comme l’incarnation du succès en termes d’appartenance à l’Union Européenne .

    Le parcours communautaire de l'Irlande a montré comment ce petit pays avait su retourner à son avantage un certain nombre de handicaps jugés rédhibitoires à tout développement : sa petite taille, sa situation périphérique, ses liens quasi organiques avec les deux grands pays du monde anglophone, son absence de base industrielle et  l'absence d'une culture économique qui l'a rendue plus réceptive aux idées nouvelles.

    En matière de réussite économique il est difficile de faire la part des choses. En Irlande est-elle due à une politique de libre-échange ou davantage à celle du talent planificateur des pouvoirs publics ? On peut dire que l’ouverture économique, l’apport des capitaux étrangers et les réductions fiscales y sont pour beaucoup mais on ne saurait oublier l’investissement massif dans l’éducation et les transferts communautaires qui ont assurément joué le rôle levier.

   Parmi les dix pays qui vont rejoindre l'Union Européenne en 2004 figurent quatre pays d'Europe centrale qui étaient naguère partie intégrante de l'ancien bloc communiste -la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque, la Slovénie qui faisait partie de la Yougoslavie de Tito, les trois républiques baltes – la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie,  et enfin les deux îles méditerranéennes –Chypre et Malte, anciens territoires britanniques. On les désigne sous le nom de 'pays adhérents'[xxviii]. L'entrée de ces pays dans l'Union Européenne modifiera de façon spectaculaire la carte de la nouvelle Europe en accentuant les disparités économiques, sociales et régionales. La nouvelle Europe à 25 comptera un peu plus de 450 millions de citoyens, soit 75 millions de plus. Mais elle sera plus pauvre puisque avec 20% de population en plus, sa richesse globale n'augmentera que de 4,6%. La carte de la répartition du PIB intérieur en Europe révèle l'existence de ce qu'on a appelé la dorsale européenne ou la banane bleue qui s'étend du centre de l'Angleterre au centre-nord de l'Italie et englobe les pays du Benelux, l'Allemagne rhénane et méridionale et la Suisse. De surcroît cet élargissement d'une ampleur inédite inclut des Etats qui présentent une très grande variété de cultures, de populations, de structures administratives et politiques et de performances économiques.

    L'effondrement du communisme en Europe centrale et orientale au début des années 1990 a obligé l'Union Européenne à durcir ses critères d'adhésion afin d'éviter un afflux de demandes d'adhésion  de nombreux Etats qui auraient pu déstabiliser l'Union Européenne et compromettre son fonctionnement. Pour se voir accepter par l'Union, il était impératif qu'ils remplissent des conditions économiques et politiques connues sous le nom de 'critères de Copenhague[xxix]', selon lesquelles un pays candidat doit : être une démocratie stable, respectueuse des droits de l'homme, de la règle de droit et de la protection des minorités ; être doté d'une économie de marché effective ; et adopter les règles, normes et politiques communes qui constituent le corps législatif de l'UE. Il importait donc que ces Etats aient opéré avec succès leur transition vers l'économie de marché. Ces conditions étant supposées remplies, leur candidature a été retenue et l'Irlande qui assurera alors la présidence de l'Union Européenne les accueillera en mai 2004. Si les deux parties de l'Irlande rejoignirent conjointement la Communauté en 1973, il n'en va pas de même pour Chypre que se partagent la Grèce et la Turquie. L'UE ne sera pas parvenue à mettre fin à une partition de 28 ans dans la mesure où la partie chypriote-turque s'est refusée à signer les accords proposés par l'ONU.

   La dynamique d'intégration européenne correspond à une profonde aspiration des populations concernées. Faisant suite à l'effondrement du bloc soviétique et à la fin de la guerre froide, le mouvement d'élargissement de l'Union Européenne vise à tourner une des pages les plus sombres de l'histoire du continent européen. Pour les nouveaux Etats-membres, dont la croissance a connu des évolutions diverses, l’intégration c’est aussi la capacité d’accéder à une prospérité économique, l’assurance de pouvoir mieux affronter la concurrence des autres blocs régionaux, grâce à une meilleure insertion dans les échanges économiques mondialisés. L'un des objectifs essentiels de l'Union Européenne consiste à appliquer le principe de convergence des niveaux de vie entre toutes les zones qui la composent. En ce qui concerne l'Irlande mais également le Portugal les mécanismes de redistribution ont permis un rattrapage considérable. On peut se demander si les pays adhérents peuvent s'acheminer vers la convergence, à l'instar de l'Irlande et du Portugal. les Quinze de l'UE sont convenus de débloquer un paquet de 40,7 milliards d'euros pour la période 2004-2006. C'est un peu plus que ce qu'ils avaient proposé initialement à l'issue de leur sommet de Bruxelles (environ 39 mds EUR) mais moins que ce qu'ils avaient prévu en 1999 pour cette période (42,5 mds EUR). Les aides de pré-adhésion ont déjà ont déjà contribué à la modernisation et à l'adaptation des Etats candidats. Le marché intérieur unique va passer de 377 à 453 millions de consommateurs, ce qui devrait  stimuler la croissance économique et celle des échanges sur tout le continent.

 

Les lourdeurs du passé

  A l'inverse de l'Irlande les pays d'Europe centrale et orientale, dépendants de l'Union Soviétique, ont connu une industrialisation tardive, planifiée de type soviétique qui peut s'interpréter comme une tentative endogène de rattrapage. Leur développement s'est fondé sur une base quantitative au détriment de la qualité et de la rationalité. Très longtemps replié sur lui-même le bloc soviétique s'est timidement ouvert à l'ouest et l'autarcie s'est progressivement relâchée à des degré divers. Nombre de ces Etats comme la Hongrie et la Pologne- qui par ailleurs bénéficiera largement de la Politique Agricole Commune – se sont dotées d'une économie très ouverte sur l'étranger. Sur les vingt-huit milliards de dollars d'investissement directs étrangers (IDE), un tiers, selon le dernier rapport de la BERD (Banque Européenne pour la reconstruction et le développement ) publié en novembre 2003, était destiné aux pays d'Europe Centrale et Orientale communément appelés PECO.

    Leur essor a toutefois été considérablement entravé par des politiques budgétaires malsaines qui ont débouché sur l'endettement et le ralentissement des taux de croissance. En 2002, la hausse des salaires réels et des dépenses publiques ont creusé les déficits budgétaires de la Hongrie (8,4%), de la République tchèque (4,5%), de la Pologne (5,7%)  et restent élevés en Slovaquie (7,2%). La situation n'est pas sans rappeler celle de l'Irlande à la fin des années 1980. En 2003 les projections font apparaître des déficits encore plus accusés, 5,5% pour la Hongrie, 8,3% pour la République tchèque, 6,9% pour la Pologne, à l'exception de la Slovaquie avec 5%. Comment envisager dans ce contexte la convergence nominale conformément aux critères de Maastricht? Une autre explication aux difficultés économiques de ces pays est manifestement due à l'immense retard pris à l'égard des nouvelles technologies.

    Ces pays devront engager des réformes en profondeur en particulier dans le domaine des retraites, du système éducatif et du système de santé pour s'aligner sur les anciens Etats-membres. Il est impératif qu'ils réforment également leur administration de façon à décentraliser le pays pour déléguer le plus possible de pouvoir aux communautés locales. On peut percevoir les énormes difficultés qu'ils peuvent éprouver, étant beaucoup plus éloignés que l'Irlande par leur histoire politique et économique des pays du centre de l'Europe. Les lourdeurs industrielles et administratives héritées du passé n'ont pas favorisé la mise en place d'une phase de transition satisfaisante et les reprises de la croissance en Europe centrale ne paraissent pas suffisantes pour présager dans le moyen terme une véritable convergence.

Quelle intégration économique?

   Tandis qu'émergent des industries nouvelles compétitives tirées par les investissements étrangers, les industries traditionnelles, à fort besoin de main-d’œuvre et à faible valeur ajoutée, sont confrontées à de sérieux problèmes d’adaptation et éprouvent déjà de grosses difficultés à se restructurer en profondeur pour faire face à la concurrence. Il en résultera des destructions massives d'emploi dans les secteurs en reconversion tels que les mines, les aciéries, les chantiers navals et aussi l'agriculture. Il reste beaucoup de chemin à faire en matière d'infrastructures publiques telles que routes, voies ferrées, établissements scolaires et hôpitaux. L’exposition croissante des économies des nouveaux Etats-membres aux forces de la concurrence débouchera inévitablement, comme cela a été le cas pour l'Irlande, sur une moindre sécurité en termes d’emploi et une plus grande vulnérabilité aux fluctuations économiques extérieures. Ces pays, naguère intégrés dans un mêle bloc forment actuellement un ensemble disparate et éclaté. L'effondrement du système soviétique a ôté toute forme de cohérence et de complémentarité entre eux. Les échanges endogènes ont considérablement baissé  et les échanges qu'ils réalisent avec l'Union Européenne se font sous le mode de la sous-traitance. Le ralentissement économique de l'Europe de l'ouest a imposé une mauvaise donne conjoncturelle qui a compromis la relance des PECO.

   Par suite du rôle  crucial que les entreprises étrangères sont appelées à jouer, les esprits les plus pessimistes évoquent une insertion semi-périphérique dépendante, en particulier pour les zones les plus éloignées de la dorsale européenne. Il apparaît déjà que des pans majeurs de l'économie de ces pays sont sous le contrôle des pays occidentaux. Cette forme d’industrialisation est qualifiée de dépendante  parce qu’elle s'opère grâce à l’apport de capitaux étrangers et diffère de celle qui a caractérisé les sociétés dites développées. Une pleine intégration devrait signifier une industrialisation plus autonome avec un véritable progrès économique qui ne soit pas sous l’emprise des vieux Etats industrialisés. Mais cette forme d'industrialisation s'applique également à l’expérience récente de l’Irlande. Peut on dès lors parler de précarité structurelle de tous les nouveaux arrivants ?

    Si le but de l'Union Européenne est d'apporter son assistance financière afin de développer leurs infrastructures et leurs économies, les retards paraissent difficiles à combler, dans la mesure où leur PIB par habitant ne dépasse pas 40% de la moyenne communautaire. Les pays d'Europe centrale et orientale ont connu une croissance moyenne de leur PIB d'environ 3%[xxx]. Si tant est qu'un taux de croissance annuelle du PIB de 5% en moyenne puisse être réalisé grâce aux injections de fonds communautaires, il faudra à ces pays deux fois plus de temps qu'à l'Irlande pour rattraper la partie occidentale de l'Europe c'est-à-dire environ un demi-siècle. Le risque d'un fossé économique persistant est-ouest est tout à fait envisageable. La mobilité de la main d'œuvre risque d'avoir un effet pervers sur le développement des PECO avec la tentation pour les éléments les plus jeunes et les plus dynamiques de faire leurs preuves hors de leurs frontières nationales. Cet exode des élites serait extrêmement dommageable au développement des économies concernées.

 

Des raisons d'espérer

  Il y a toutefois des motifs d'optimisme. Le rapport de la BERD est à ce sujet très encourageant et son président souligne les progrès déjà réalisés grâce aux accords d'association conclus avec l'Union Européenne. La perspective de l'adhésion a imposé une plus grande rigueur budgétaire et monétaire. Si les observations précédentes laissent supposer une altération du tissu industriel traditionnel, on peut supposer qu'en vertu du  principe de destruction créatrice le rythme de création d’emplois compétitifs  puisse compenser la majorité des emplois supprimés. Par ailleurs le dynamisme des Etats baltes est particulièrement remarquable. Leurs performances 6,5% de taux de croissance pour la Lituanie, 6% pour la Lettonie et 5% pour l'Estonie. A observer la stratégie économique de l’Estonie, on peut évoquer le modèle irlandais. Les investisseurs bénéficient d’un régime d’exonération fiscale, les bénéfices réinvestis sont exonérés d’impôt sur les sociétés et un taux de 26% est appliqué aux bénéfices non réinvestis.

   Parmi les deux "micro Etats" Malte qui partage avec l’Irlande un héritage culturel et tout comme l'Irlande  se situe à la lisière de deux mondes, dispose d'un certain nombre d'atouts. Le niveau d’éducation est élevé et la maîtrise de l'anglais est un gros atout linguistique. Depuis les années 1980, une refonte de l’économie maltaise a eu lieu qui n’est pas sans rappeler les programmes d’expansion économique instaurés par l’Irlande dans les années 1960. Le but des réformes est d’abandonner les mesures protectionnistes, d’ouvrir le pays aux investisseurs étrangers, de moderniser l’économie, d’assainir les finances et de miser sur le capital humain de l’île. En 1967 la création de la Malta Development Corporation rappelle celle de l’Industrial Development Authority en Irlande. Tout comme l’Irlande, Malte a investi dans l’électronique; la société Microelectronics est devenue un des fleurons de l’industrie maltaise et place Malte au 9e rang mondial des constructeurs de semi-conducteurs.

 

La nouvelle donne politique

   C'est sans doute au niveau politique que tous ces pays tireront des bénéfices immédiats de leur adhésion. Jusqu'à présent leur rôle sur la scène internationale et diplomatique est infime et ils ne pèsent en rien dans les prises de décision économiques mondiales. Pour la grande majorité des nouveaux qui peuvent être considérés comme de petits Etats le partage de souveraineté augmentera leur influence et leur permettra d'accéder à une forme de maturité politique longtemps entravée par la tutelle de leur puissant voisin. L’appartenance à l’U.E. aura le même effet libératoire qu'elle a eu pour l’Irlande.

    En revanche ces pays, tout comme l'Irlande à son entrée dans la Communauté, devront se familiariser  avec un cadre institutionnel unique et toute une technicité en matière de règles de prises de décision et de domaines extrêmement divers qui leur étaient totalement étrangers. Jusqu’à leur entrée dans la communauté le jeu du pouvoir était relativement simple au sein d'Etats très fortement centralisés. A Bruxelles la culture n’est pas celle de l’affrontement ni celle du consensus mais celle du compromis indispensable à toute avancée politique au prix de gros efforts et de longues tractations et les compromis seront d'autant plus difficiles à réaliser dans une Europe à vingt-cinq. On note également une grave pénurie de diplomates au fait des enjeux internationaux et de juges qualifiés ce qui suppose des efforts considérables pour former et encadrer une nouvelle génération de fonctionnaires. Consciente de ce problème l'Union Européenne a développé des projets de jumelage (twinnings) qui ont consisté à dépêcher auprès des administrations publiques des pays concernés un millier de fonctionnaires dont une vingtaine d'Irlandais, afin de former leurs homologues aux arcanes des institutions communautaires.

   Si pour les quinze Etats-membres, l'ouverture de l'Union Européenne vers l'Est et le Sud vise à étendre la zone de stabilité et de paix à tout le continent européen afin de prévenir les conflits tels que ceux qui ont ravagé l'ex-Yougoslavie, l'adhésion représente pour les Etats-adhérents la meilleure façon de combler le vide de sécurité, séquelle de l'implosion du système soviétique. Elle signifie non seulement une sécurité accrue mais un environnement international plus stable et un rôle international plus grand. L'échange d'une partie de la souveraineté nationale contre une souveraineté supranationale partagée et une co-responsabilité ne peuvent être à leurs yeux que profitables. Pour l'Etat tchèque l'intégration est l'occasion de renouer le lien qui unit son pays à l'Europe après qu'il fut brisé lors des moments très douloureux de son histoire.

    On pourra évoquer le terme d'intégration euro-atlantique appliquée au domaine de la défense dans la mesure où la grande majorité de ces pays ont également adhéré ou souhaitent adhérer à l'OTAN. Ils considèrent que l'adhésion à l'Alliance Atlantique et à l'Union européenne sont indissociables et conformes à une même politique mise en place depuis 1989. Des tensions sont déjà apparues entre certains membres fondateurs comme la France, l'Allemagne et la Belgique qui n'ont pas apporté leur soutien à l'intervention américaine en Irak. Les Etats adhérents ne sont pas des "va t'en guerre" mais leurs gouvernements, pour diverses raisons, ont choisi de suivre la position des Etats-Unis. C'est ainsi que huit de ces Etats, notamment trois nouveaux membres de l'OTAN, la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque, emmenés par la Grande-Bretagne et l'Espagne, ont affirmé leur soutien à la politique américaine. Quant aux autres Etats adhérents comme l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Slovaquie et la Slovénie, il sont  soucieux de ne pas compromettre leur future adhésion à l'OTAN et de ne pas indisposer leurs futurs alliés. Ils attachent beaucoup d'importance à la Charte de partenariat qu'ils ont signée avec les Etats-Unis. Ces Etats ont le sentiment que les Etats-Unis ont été un allié puissant dans leur lutte contre le communisme. En l'absence d'une  politique européenne de défense suffisamment cohérente ils préfèrent miser sur l'appui du géant américain. Il ne s'agit pas de concevoir les rapports entre l'Europe et les Etats-Unis sur le mode de la compétition mais de la complémentarité.

    Si l'Irlande a pu selon les termes de Patrick Keatinge "bénéficier du meilleur des mondes possibles", en préservant à la fois sa neutralité militaire tout en garantissant l’influence dont un petit Etat peut disposer par sa participation à la Politique de Défense et de Sécurité Commune par le biais du Partenariat pour la Paix, ce choix ne sera pas donné à ces nouveaux Etats-membres.

 

Conclusion

   L' histoire communautaire de l'Irlande fait apparaître deux grandes lignes de force :

  • La première une volonté de progrès qui a motivé l’adhésion et s’articule autour du principe de redistribution des ressources incarné par la Communauté.

  • La deuxième un empirisme qui a conduit les responsables irlandais à mettre en œuvre des solutions et politiques diverses pour relever les défis qui s’offraient à eux tout en s’inspirant de modèles étrangers.

L’Irlande par ses liens économico-culturels avec les pays anglo-saxons, sa situation de pont entre les Etats Unis et l’Europe a bénéficié d’une phase de conjoncture très favorable. Sa transformation, selon l'économiste irlandais Anton Murphy, s'est faite grâce au rapprochement de deux plaques tectoniques, celle des Etats-Unis et celle du continent européen. La spécificité du modèle irlandais, si tant est que l'on puisse parler de modèle, est qu’il emprunte beaucoup au libéralisme venu d'outre-atlantique mais également au modèle rhénan par les accords entre partenaires industriels et au modèle français de planification indicative mis en place dès la fin des années 1950 sur les recommandations de Ken Whitaker. Un rapprochement avec les nouveaux Etats membres en retard de développement ne doit pas occulter les spécificités propres à l’Irlande, qui semblent échapper à tout classement. Ils peuvent toutefois puiser dans l'expérience communautaire de l'Irlande, le volontarisme et la patience de ses dirigeants un certain nombre d'idées et d'encouragements qui les aideront à avancer vers le progrès et une véritable intégration.

 



[i] "Une île derrière une autre île" c'est ainsi que  le Général de Gaulle évoquait l'Irlande.

[ii] L’Irlande, tout comme le sud ibérique et les îles méditerranéennes sont, à l’évidence, moins faciles à desservir que les régions du cœur de l’Europe qui s’articulent autour de l’axe Londres-Francfort-Milan, appelé parfois la « banane bleue ».

[iii] Pauvre en ressources naturelles, l’Irlande allait bénéficier dans les années soixante de la découverte d’importants gisements métallifères dont la majeure partie de la production fut exportée, ce qui favorisa une expansion de l’industrie extractive.

[iv] "On pouvait lire : "Take a tiny open ex-peasant economy. Place it next door to a much larger one, from which it broke away with great bitterness barely a lifetime ago. Infuse it with a passionate desire to enjoy the same lifestyle as its former masters, but without the same industrial heritage of natural resources. Inevitable result : extravagance, frustration, debt…Ireland is easily the poorest country in rich north-west Europe. Its gross domestic product is a mere 64% of the European Community average". The Economist, January 10, 1988.

[v] "Just yesterday, it seems, Ireland was one of Europe's poorest countries. Today it is about as prosperous as the European average, and getting richer all the time". The Economist, May 17, 1997.

[vi] Brigid Laffan, « Ireland : The Rewards of Pragmatism » in Adapting to European Integration op.cit.p.70.  

[vii] La métamorphose du tigre celtique revient à Morgan Stanley en août 1994 et est devenu très vite le terme inévitablement associé à l'économie irlandaise. 

[viii] E.S.R.I., Medium term review, 1999-2005, p.54.

[ix] E.S.R.I., Medium term review, 1997-2003, p.47.

[xi] D’après les chiffres du recensement de 1996, la population de l’Irlande est de 3 626 087 habitants, dont 60% vivent dans les villes de plus de 1000 habitants.

[xii] Rapport de l’O.C.D.E., Etude économique : Irlande 1999.

[xiii] Le Nouvel Economiste n°1086,  « Irlande : Bienvenue aux Immigrés », 5/09/97.

[xiv] O.C.D.E., Etude économique Irlande 1999.

[xv] La phase de croissance américaine a débuté en 1992, c’est-à-dire deux ans avant le décollage de l’économie irlandaise.

[xvi] Eurostat, DG Ecofin avril 2001, p.11.

[xvii] Les fonds structurels et les fonds de cohésion ont été créés pour faciliter la convergence, les premiers concernent l’échelle régionale, les seconds l’échelle nationale.

[xviii] O.C.D.E., Etude économique Irlande 1999.

[xix] La phase de croissance américaine a débuté en 1992, c’est-à-dire deux ans avant le décollage de l’économie irlandaise.

[xx] Si l’on connaît l’effet de dynamique créé par la contribution des fonds structurels communautaires au développement économique de l’Irlande, il convient de rappeler qu’ils résultèrent d’une initiative irlandaise et jouèrent un rôle essentiel dans la transformation de toutes les régions européennes en voie de développement des pays dits de la cohésion qui sont outre l’Irlande - la Grèce, l’Espagne et le Portugal.

[xxi] Voir J.Bradley, J.Fitzgerald et I.Kearney, the Role of the Structural Funds : Analysis of the Consequences for Ireland in the context of 1992, Dublin : Economic and Social Research Institute.

[xxii] Voir P.Honohan et al, Evaluation of Structural Funds, Dublin, Economic and Social Research Institute.

[xxiii] Thomas Giblin, chapitre III, « Dire non à l’Europe », in Des chrétiens pensent l’Europe, Les éditons de l’Atelier, Paris 1997 p.75.

[xxiv] M.O’Sullivan, « Industrial Development, A new beginning ? » in J.W.O’Hagan ed., The Economy of Ireland : Policy and Performance of a European region, Gill and MacMillan, Dublin 2000 pp.260-285.

[xxv] A l’exception de la péninsule ibérique et de la Grèce les autres Etats membres ont pour l’agriculture une part encore plus faible.

[xxvi] Ces nouveaux établissements eurent, de surcroît, le mérite d’ouvrir les portes de l’enseignement supérieur à des jeunes issus d’un milieu social qui, jusqu’alors, n’était pas tourné vers des études supérieures.

[xxvii] Si le Fine Gael est historiquement plus proche de la hiérarchie catholique, ce sont les électeurs du Fianna Fail qui expriment la fidélité la plus grande au dogme catholique. Il suffit de rappeler qu’en 1983, 80% des partisans du Fianna Fail se déclarèrent en faveur d’un amendement anti-avortement de la Constitution contre 61% seulement de ceux du Fine Gael et 48% de ceux du Parti Travailliste. 

[xxviii] La Bulgarie et la Roumanie espèrent pouvoir faire de même en 2007, tandis que la Turquie ne négocie pas pour l'instant son adhésion.

[xxix] Le processus d'élargissement a en effet été lancé à Copenhague en 1993, soit quatre ans après la chute du mur de Berlin. C'est également à Copenhague qu'a été conclu l'accord d'adhésion des dix nouveaux Etats membres. Le traité d'adhésion a été signé à Athènes en avril 2003.

[xxx] La Hongrie (3,3%) et la Slovaquie (4,4%) enregistrent les taux de croissance du PIB les plus élevés.

 

 

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Mise à jour: 24/03/2004